L’étude des logiques à l’œuvre dans le domaine du travail artistique peut servir de modèle pour l’analyse des mutations actuelles du marché du travail. Flexibles, inspirés et mobiles, les « artistes » auraient toutes les qualités du cadre de demain. Or, si l’on s’intéresse aux degrés inférieurs de la pyramide professionnelle des mondes de l’art, et particulièrement à la population des musiciens instrumentistes ordinaires, on trouve des individus que leurs formes d’emploi et leurs caractéristiques socioculturelles rapprochent plutôt de certains espaces sociaux du travail indépendant artisanal. Ce texte aborde les carrières de musicos et celles correspondant aux nouveaux profils d’artisans du bâtiment en contexte de gentrification rurale. Il s’appuie sur sept ans d’ethnographie du métier de musicien ordinaire et présente les premiers éléments d’une recherche en cours sur la construction de l’identité au travail et les carrières d’artisans dans le Languedoc, pour mettre en lumière les similitudes qui apparaissent dans ces deux espaces socioprofessionnels pris chacun dans une tension comparable, entre l’« art » et le « métier ».