Le sauvage construit

Par Augustin Berque
Français

Résumé

Nous associons généralement le sauvage (silvaticus) à la forêt (silva) et à ses hôtes, les bêtes sauvages et les ermites. L’anthropologie a montré que ces représentations sont toutes relatives, et que, par exemple entre les Bantous et les Pygmées, le sens de la lisière entre les champs et la forêt pouvait s’inverser. Contrairement au bon sens qui voudrait voir à l’origine le sauvage, et par la suite le civilisé, une approche écouménale (centrée sur le sens des milieux humains pour ceux qui les habitent) montre qu’à l’inverse il y a eu naissance de la sauvagerie à partir du moment où il y a eu civilisation, et où les habitants des champs ont voulu se distinguer de ceux des bois, puis ceux des villes se distinguer de ceux des champs. La logique sociale de cette distinction paraît assez simple, mais nous n’en mesurons pas les effets concrets, tant sur nos manières de voir que sur nos comportements. On s’interroge ici en particulier sur le sens de la distinction entre ce qui est dans les murs (la ville) et ce qui est hors les murs (la campagne, la nature), en comparant notamment les cas de civilisations où le mur est synonyme de ville (la Chine…), ou au moins associé à la ville (l’Europe…), avec d’autres où les villes n’avaient pas de murs (le Japon…), pour en tirer quelques perspectives à propos de l’urbain diffus contemporain, où les villes n’ont plus de murs et où les modes de vie les plus artificiels sont vécus comme un retour à la nature.

Mots-clés

  • campagne
  • forêt
  • mur
  • nature
  • ville
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