Cet article s’intéresse à la manière dont les Sinti des Alpes italiennes perçoivent leurs « manières de faire » comme complé­mentaires aux idées, valeurs et pratiques du travail et du salariat en vigueur dans la société majoritaire. J’y analyse la création invisible et silencieuse des cadres ontologiques sinti par la pensée, le souvenir et les rêves, qui leur permet d’équilibrer ce qu’ils perçoivent des relations qu’ils entretiennent avec leurs clients Gağe lorsqu’ils s’agit de collecter de l’argent. L’article contribue plus largement aux discussions sur les concepts de travail, de mendicité et de colportage, en déplaçant la perspective d’une opposition entre sociétés roms et sociétés majoritaires à l’analyse d’une épistémologie sinti qui vise à penser le monde relationnellement, en le comprenant comme un système réciproque d’échange étendu auquel les Gağe clients appartiennent également.